Nioro du Sahel : Enfants mendiants dans la rue, un phénomène qui interpelle tout le monde!

La divagation des enfants dans la rue devient aujourd’hui un problème récurrent, un problème auquel les autorités et les décideurs de Nioro doivent faire face dans un monde en pleine mutation.
En petit groupe de quatre voir dix ou plus, on les voit durant toute la journée et très souvent pendant la nuit entre les concessions et sur les lieux publics à la recherche d’argent ou de nourriture.

Mais qui sont ces enfants ? D’où viennent-ils ? Que cherchent-ils ? Pourquoi le phénomène s’accentue ?
Tout le monde les voit mais personne ne cherche à résoudre le problème !
En réalité ces enfants viennent d’horizons divers et sont confiés à des maîtres coraniques résidants pour la plupart dans des quartiers périphériques ou dans des villages situés dans les alentours de la ville de Nioro.
Qu’il pleuve ou qu’il neige ces petits mendiants munis le plus souvent de boites de conserve ou de récipients de toutes sortes sillonnent tous les coins et recoins de la ville.
Baba Baliaga est maître coranique et Imam de la nouvelle mosquée du quartier Dianwely counda. Pour lui, l’hébergement des enfants « talibés » est une pratique ancestrale qui date de très longtemps. C’est une manière d’éduquer les enfants et de leur apprendre le contenu du Saint Coran.

A la question pourquoi les enfants quémandent à tout moment dans la ville prédisposés à toute sorte d’intempéries, le grand maître assis dans son vestibule en boubou blanc, fouet en main au milieu de la trentaine de disciples, racle la gorge et dit: mon père avait une cinquantaine de talibés dans ce même vestibule. Après le décès de celui-ci, j’ai pris la relève. Il y a plus de dix ans que j’exerce ce travail. Chaque année j’ai plus d’une vingtaine d’enfants dont les âges varient entre cinq et 25 ans. Vous pouvez demander n’importe qui à Nioro. Mes enfants ne sortent pas pour aller chercher à manger. Sachez qu’aucun maître coranique ne peut nourrir plus d’une dizaine de têtes sans que les parents n’apportent de l’aide ou que les enfants eux mêmes ne te viennent au secours. C’est pourquoi aux heures de repas, ils sortent pour aller chercher de quoi manger. Cela, de façon coutumière rentre aussi dans leur éducation.


-Pourquoi les maîtres obligent les talibés à leur amener de l’argent ?
– Baba Badiaga avec un ton fâché répond : moi je ne fais pas. Dieu merci, je ne suis pas aussi pauvre jusqu’à ce point. Eduquer les enfants d’autrui en les apprenant le Coran fait partie de nos coutumes. Je suis élevé dans cette pratique. Mais les obliger à amener de l’argent, cela je ne fais pas. Seulement, pendant l’hivernage les plus grands m’aident à travailler au champs. Le soir à leur retour, ils amènent du bois de chauffe pour apprendre à la lueur de la flamme.
Mes élèves viennent de partout à travers le pays même de la côte d’Ivoire.
Thierno Bassirou DIALLO est un autre maître coranique qui habite dans une petite maison entourée de haie morte à l’entrée du village de Madonga à seulement trois kilomètres au nord de Nioro.
Il est très exactement 17heures (heure de retrouvaille) quand nous rentrons chez lui pour ne rien rater.
Chapelet en main dans un tissu noir en coton, la tête dans un turban blanc, assis sur sa peau de prière dos au mur, maître Diallo nous a accueillis avec une mine serrée.
Après les salutations d’usage, nous lui avons expliqué les raisons de la visite.
Aussitôt il bondit et refuse toute conversation. Après plusieurs minutes d’explication et surtout la présence dans les alentours d’un des fils du chef du village, M. Diallo accepte de répondre à nos questions.
« Mes disciples viennent d’horizons différents. Certains sont du cercle, d’autres viennent de Diéma, de Ségou, de Macina, de Koulikoro, de Kayes et même de la Côte d’ivoire ou du Burkina Faso. Une fois que les parents nous envoient leurs enfants, certains oublient de nous aider. Aucun appui. Nous sommes obligés, comme nous enseigne la tradition, de les envoyer chercher de la nourriture en ville aux heures de repas. J’ai ici ma femme et mes trois enfants. Ceux qu’ils amènent leur reviennent. L’argent et les céréales qu’ils amènent nous aident dans leur prise en charge. Juste après la prière commune du crépuscule, ils allument un grand feu autour duquel ils apprennent les versets du coran ».
Maître Hassan SOW, aussi grand encadreur coranique possède un grand nombre de disciples, dans le quartier Diaka courani. Il trouve que la mendicité chez les enfants est une pratique ancestrale, un passage obligatoire pour tout enfant de 5 à20 ans. Autour de lui on pouvait compter plus d’une trentaine de disciples tous munis de leurs WALAHA en train de réciter dans un brouhaha total la leçon du jour. Comme pour nous montrer qu’il suit tout le monde, il donna un coup de fouet au jeune Soya âgé de 12 ans pour avoir commis une erreur en lisant son WALAHA.
Lui aussi trouve que les parents de ces enfants ne font aucun appui par rapport à leur prise en charge. Alors, « nous sommes obligés de les envoyer chercher de la nourriture en ville aux heures de repas ».
On rencontre ces jeunes gens un peu partout : dans le marché, aux abords des routes, devant les bâtiments administratifs, dans les maisons abandonnées, partout.
Aussi, beaucoup de jeunes gens qui ne sont pas des disciples pratiquent la mendicité pour pouvoir survivre ou pour aider des parents malades ou en difficulté.
Mme Korè DIALLO est une pauvre femme aveugle d’une cinquantaine d’années. Elle habite le quartier Mali counda. Chaque matin, la main à l’épaule de son garçon de 16 ans, elle parcourt toute la ville à la recherche de quoi manger. Connue de tous depuis une dizaine d’années, elle se promène de famille en famille pour mendier.

L’inquiétude est que le jeune homme qui circule avec elle depuis le bas âge n’a appris que mendier. Acceptera-t-il un autre travail dans les jours à venir ou préfèrera-t-il emprunter le chemin de sa mère ?
Le jeune Moussa SOW ou Almoudo a 16 ans. Il a quitté ses parents de Kayes depuis à l’âge de 7ans pour être confié à son maître ici à Nioro. En dehors de ses heures d’apprentissage du Saint Coran, tout comme beaucoup de ses camarades à la tâche d’aller chercher du bois de chauffe en brousse, revenir vers 11 heures pour aider la femme du maître aux travaux domestiques puis se rendre en ville vers 12 heures pour quémander le repas de midi. Le repas terminé, pas de repos. Il faut reprendre la lecture des versets de coran jusqu’au soir et repartir en ville au moment du diner.

Si c’est vendredi, c’est la fête. Il faut amener au maître beaucoup d’argent. « Si tu enlèves 5F de l’argent reçu, une malédiction t’arrivera nous a dit le maître».
Moussa et six de ses camarades venus tous de la région de Ségou sont obligés d’apporter chaque jour au maître 100F pour ne pas être victime de sanction.

Souvent, les petits soirs on voit certains d’entre eux assis en pleurant devant les bureaux ou devant des maisons. Ne vous posez pas mille questions, ils ont peur de rentrer parce qu’ils n’ont pas pu avoir le montant fixé par leur maître.
Certains de moins de 7 ans souffrent, exposés souvent à des intempéries. Pendant cette grande fraicheur, on les voit, sans chaussure et mal habillés souvent couchés au pied des murs, devant des bâtiments publics, dans des vestibules ou sous des hangars du marché sans couverture.
Que ça fait pitié. Des fois, des bonnes volontés s’occupent de certains et les offrent des chaussures et des beaux habits qui leur seraient retirés après, selon ce que nous avons entendu, par le maître. A notre présence le maître a nié tout ce que le jeune talibé a raconté. A 5m de là, au retour, on entendait les cris du petit. Il a été puni pour m’avoir révélé le comportement du « malim ».

Dans le marché on les aperçoit partout. Gare à toi si tu mets la main dans la poche ou si tu te rends à la station pour payer du carburant. Tu les vois partout à côté tendre leurs boîtes pour des jetons.
Le vendredi, jour de la grande prière est le jour de fête pour les petits mendiants. Par groupe de dix ou plus, ils envahissent les rues de la ville. Tous, même les malades sont au rendez-vous. Ils se regroupent à l’entrée de la mosquée pour attendre la sortie des fidèles musulmans. Certains donnent des pièces de 100f, d’autres plus ou même des billets a dit le jeune Abderrahmane DEH, jeune mendiant venant de Diéoura dans le cercle de Diéma et habitant avec 10 de ses camarades et leur maître DANS une maison inachevée du quartier Koulouba depuis plusieurs mois.
M.Nimaga, Enseignant de son état est notable du quartier Diaka. Lui aussi a passé par cette pratique. Il pense qu’un enfant qui subit toutes ces atrocités de la part de son maître est bien éduqué et retrouvera la bénédiction des ancêtres.
El Hadj Diallo est maître coranique à Dianwely, un petit village situé à seulement 5Km à l’est de Nioro. Lui aussi possède plus de cinquante jeunes gens à éduquer. Il a hérité ce travail de son père qui pouvait héberger 100 talibés. Les enfants que M. Diallo encadre sont âgés de 8 à 22ans. Le matin de 6 h à 9 h, ils apprenent dans un brouhaha le coran et se rendent ensuite en brousse à la recherche du bois de chauffe ou de paille pour l’apprentissage de la nuit.
Maître Diallo contrairement aux autres ne frappe pas ses élèves. Il s’arrange d’ailleurs à protéger les tous petits qui restent à la maison pour quémander du repas. Les plus âgés marchent les 5 Kilomètres séparant le village de la ville de Nioro chaque midi et chaque petit soir pour chercher de l’argent ou de la nourriture. Cela après les travaux quotidiens.
D’autres jeunes mendiants sans domicile fixe dont l’âge est compris entre 6 et 17 ans passent la nuit sur la tribune située au plein cœur de la ville de Nioro ; cela quel que soit le temps.

Qu’il fasse chaud, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, ces jeunes gens sillonnent les coins et recoins de Nioro.

Voici la raison fondamentale qui m’a poussée à approcher ses personnes et à prendre ma plume pour montrer au monde entier le comportement de certains éducateurs coraniques et du coup interpeller les parents qui acceptent remettre leurs enfants aux gens qui les maltraitent et les font subir des pratiques de toutes sortes.

Appendre aux enfants le Coran est une très bonne chose. Mais les laisser faire du n’importe quoi en ville sans aucune surveillance n’est pas digne de Nioro de CheicK Ama Oullah, de El Hadj Omar TAll et de Djoum Kaba DIAKITE connue par sa dominance religieuse.
                                                                              Correspondant de kayesInfos à Nioro,  Moussa DIAKITE

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