Comment un Soninké, amoureux de sa langue et sa culture a découvert Paris dans un voyage d’échange culturel.
Le 2 mars 2019, je faisais partie des trois jeunes auteurs qui présentaient leur livre bilingue en soninké et en français à la Maison de la Presse de notre belle capitale malienne : Bamako.
Cette cérémonie organisée conjointement par l’Association pour la Promotion de la langue et de la culture Soninké (APS) de Paris et l’Association Culturelle Soninké (ACS) du Mali était placée sous la haute présidence du Professeur Dioncounda Traorè, (président de l’Assemblée nationale malienne de 2007 à 2012, puis président de la République par intérim en 2012-2013) et présidée par son épouse Madame Minta Doucouré.
Les trois livres présentés ce jour là étaient :
– Soogofunsu (grains de millet) de Thierno Mohamedou Tandia de la Mauritanie,
– Tankarage do diganxanxottu filli, tankarage do koyu filli (52 concepts, 52 semaines) du groupe WhatsApp Fiso.com Sooninkon Jando Loogonte, Daaxan Sunka Yinbe. Chaque semaine, un thème était porté à la discussion dans ce groupe. Le livre dirigé par Harouna Mangassy rassemble les réflexions sur ces thèmes émis par 256 Soninkés, hommes et femmes des différentes zones soninkés du Mali, Sénégal, Gambie, Mauritanie, et de la Diaspora.
– et Fonnanxayaaxun do saafariye (Jeunesse et Emigration) de Banjugu S. Daraame.
Quelques jours après ce lancement, Monsieur Mamadou Khalifa Soumaré, Professeur retraité de linguistique à l’École Normale Supérieure de Bamako, son frère Monsieur Diadié Soumaré, Président de l’APS et d’autres Soninkés ont rendu visite à la SIL-Mali (Société Internationale de Linguistique) où je travaille comme facilitateur de l’équipe Soninké. Lors de cette visite, est née l’idée de m’inviter à apporter une contribution sur l’orthographe soninkée lors du 40ème anniversaire de l’APS à Paris. En France, je serai logé chez des parents.
Je suis donc particulièrement reconnaissant au Professeur Mamadou Khalifa Soumaré, à Monsieur Diadié Soumaré, et à la SIL de m’avoir permis d’effectuer ce déplacement culturel ainsi qu’à tous mes parents et ami(es) qui m’ont accueilli en région parisienne et que vous allez rencontrer dans le récit qui suit.
Voyager, c’est se déplacer dans l’espace, s’ouvrir à de nouveaux horizons, rencontrer des gens et découvrir de nouvelles choses pour grandir.
Partir en Europe plus précisément en France, c’est pour tout enfant africain, en particulier pour l’enfant soninké, une espérance de paradis, un rêve d’abondance et de partage pour sa famille restée au village.
Donc ce 17 avril restera comme l’un des jours les plus prometteurs de ma vie.
Il est 11h. Je passe mon évaluation de sociolinguistique de Master 2 au Campus universitaire de Kabala à Bamako. Un message téléphonique du centre CAPAGO, Centre Officiel de Dépôt des demandes de Visa pour la France m’invite à retirer mon passeport à leurs bureaux à la maison blanche derrière le siège de la société de télécommunication Orange Mali dans l’ACI2000 (Agence de Cession Immobilière qui achète, met en valeur et revend des terrains).
Ce message arrive alors que je suis en pleine réflexion dans un moment d’évaluation ! Pas de panique ! Je me concentre sur mon évaluation !
Je dépose ma copie. L’assistant du professeur me voit plier bagages, il me demande si je vais suivre la conférence sur l’analyse du discours, une des disciplines du Master, présentée par un Professeur au département de Sciences du langage de l’Université Paris Descartes.
Malgré tout le respect que je porte à ce professeur et à cette discipline, et malgré la gratitude de pouvoir bénéficier d’un si prestigieux enseignement, vous connaissez la réponse.
J’enfourche ma moto, enfile mon casque, direction le centre CAPAGO. Pas encore le sourire aux lèvres.
J’arrive au centre. Je croise une dame dans l’ascenseur qui vient pour les mêmes raisons que moi. Je me présente à l’employé au guichet où l’on récupère les passeports. Le jeune homme assis, ceinturé et vétu d’une chemise blanche me tend une enveloppe fermée.
Je m’assois dans un fauteuil, j’ouvre l’enveloppe. Waouh ! Je vois écrit “VISA” en majuscules. Des petits sourires secouent mes lèvres. Je me dirige vers ce jeune homme pour le questionner sur la petite étiquette collée sur la deuxième de couverture de mon passeport me demandant de me présenter à l’ambassade dès mon retour de voyage, prévu le 06 mai de l’année en cours.
Je reprends l’ascenseur avec la même dame qui malheureusement n’a pas eu son visa ; elle me dit qu’elle voulait aller chez Trump.
Elle monte dans sa voiture. Je téléphone vite à ma femme Fatoumata pour l’informer de la nouvelle. Puis je file à moto vers mon lieu de travail dans le quartier de Badalabougou à Bamako. J’informe ma direction et mes collègues. Le voyage est prévu pour le jour même, mais évidemment, je ne suis pas prêt.
Je demande aussitôt à la compagnie aérienne de changer l’horaire de mon vol. Elle me propose de partir le 19 avril. Date confirmée !
Je vais chez Soya mon grand frère pour l’informer. Dès que Téréna ma cousine, et Aïssé la femme du grand frère entendent la nouvelle, Téréna se met à chanter et à danser en soninké pour exprimer toute sa joie comme s’il s’agissait de l’arrivée d’un émigré de Paris ou d’un nouveau-né dans une famille. Maman, Aminata qui est à la mosquée, sera tenue au courant dès son retour.
Alors, j’entre dans le rituel de la préparation des bagages. Le questionnement sur le choix des vêtements s’impose. Donc je dialogue par WhatsApp avec Diawoye un de mes cousins de Paris qui me dit quoi emporter.
J’informe frères et sœurs, ici et ailleurs, ami(es) ici et ailleurs. Ce sont de bons moments de partage de la bonne nouvelle de l’année !
Les deux nuits avant le décollage, je suis déjà à Paris, cette terre d’or pour l’Africain. Mon sommeil vient tardivement. Mais c’est acquis. Ce jour de souvenir arrivera sans aucun doute ! C’est le matin du 19 avril. Je me prépare à quitter Bamako direction Paris, la magnifique ville, l’Eldorado !
L’après-midi, avec ma petite famille, nous quittons notre maison pour aller chez mon grand frère, Soya.
A 20h, Soya nous conduit à l’aéroport international Modibo Keita, avec Fatoumata ma femme, Aissé la femme du grand frère, Sékou notre petit garçon, Aminata et Oumou ses deux filles.
À l’aéroport très bien rénové, Baïkaou un parent de mon village natal Diallan, devient mon guide.
Diallan est l’une des communes du cercle de Bafoulabé, collectivité territoriale de la première région administrative du Mali : la région de Kayes. De tradition soninké, Diallan est entouré de deux collines sacrées, la colline de vie (siimankuru) et la colline de la victoire (waalenkuru).
Après le rituel de la pesée des bagages, je rejoins ma famille. Nous prenons des photos de souvenir devant l’entrée de l’aéroport éclairée avec les trois couleurs du drapeau malien : vert, jaune, rouge.
A 21h, Baïkaou mon parent-guide m’accompagne à l’endroit du contrôle des pièces, puis je pars seul dans la salle d’embarquement. L’avion, vol 330 de la compagnie Aigle Azur, décolle à 00h45 au lieu de 22h35. C’est alors que je découvre pour une toute première fois l’intérieur d’un avion à la place Y25.
À mes deux côtés deux hommes et une dame soninkés. Beaucoup de Soninkés voyagent dans cet avion. Ceci prouve que les Soninkés sont un peuple de grands voyageurs, à la suite de leur ancêtre Dinga Le Grand qui séjourna en Inde et en Égypte ancienne, précisément dans la ville d’Assouan. Cette ville aurait donné naissance au mot “sooninke” qui veut dire “originaire d’Assouan”. Une histoire contée par les généalogistes de ce vaillant peuple fondateur du premier grand empire ouest africain, le Ghana ou Wagadu en langue soninkée.
Au décollage comme à l’atterrissage, je ressens des vertiges passagers. Le grougrougrou du vol bouche mes oreilles. De toute façon, ma ceinture est déjà bien attachée. Ma fierté de Soninké se rehausse lorsque cette belle voix féminine donne des instructions en langue soninkée mais aussi en bambara, la langue véhiculaire du Mali. Comme vous le savez peut-être, la langue véhiculaire permet la communication entre des personnes de langues différentes par opposition aux langues vernaculaires c’est-à-dire plus communautaires.
Environ deux millions de personnes parlent le soninké au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et en Guinée Bissau. Le soninké est la raison de ce voyage dans le ciel bleu. Avec plaisir, je découvre que ma langue maternelle est également parlée dans les nuages.
Le soleil se lève, rouge comme Châtillon Montrouge Métro ligne 13 près de chez Kadi et Kanouté mes hôtes pour tout le séjour.
Pour la toute première fois je vois des multitudes de nuages à travers des hublots qui donnent des sourires à mes lèvres. On dirait un amoureux qui croise sa jarabi (bien-aimée).
Je sens et j’entends le vol déchirer les nuages comme un canif à l’intérieur d’une peau de varan. Ceci me rappelle les petits trous, ou nids d’oiseaux dans le goudron de la route de Bamako à Kayes, la région par laquelle les colons français sont entrés en Afrique de l’Ouest. Cette ville est surnommée la cocotte-minute de l’Afrique en particulier en raison de ses températures moyennes très élevées au mois d’avril, en plein milieu de la saison chaude qui dure trois mois, de mars à mai.
Dans cette atmosphère joviale, la douce voix de l’hôtesse de l’air en mini-jupe affriolante, une tenue de choc occidentale, me propose un kit oreille dans la belle langue de Molière. J’allume la télé.
Je tombe sur le film “Fatima”, et je me laisse emporter. Je suis plongé dans la guerre des langues (arabe et français). La tenue de choc s’adresse encore à moi, me propose un plateau de nourriture et de boissons. Dans ce film, Fatima se fait traiter d’ânesse et d’incapable par sa fille Souad. Un second choc sur mon cœur, mais je finis par comprendre. C’est parce que Fatima dit : « Comment les enfants peuvent-ils aimer leur langue ? Savoir comment s’adresser aux parents s’ils ne connaissaient pas leur langue ? La langue d’autrui détruit l’enfant ! ». Si Souad comprenait l’arabe, elle ne se comporterait pas de la sorte envers sa mère. Fatima est face aux conséquences de la barrière linguistique.
Comme le décrit avec philosophie Cheick Hamidou Kane dans son roman Une aventure ambiguë, c’est dramatique de ne pas pouvoir parler la langue de ses parents. Connaître ses racines cultive l’homme même quand il embrasse une nouvelle culture.
C’est pourquoi, le nègre que je suis insiste pour que nous parlions notre langue à nos enfants. Mon soninké et les autres langues africaines, étaient comme les langues régionales françaises, interdites de parole dans nos pays et nos régions quand le français les colonisait. Si un enfant africain osait parler sa langue, le maître d’école se moquait de lui méchamment en lui donnant un objet en bois représentant une tête d’âne rasée.
Cette nuit là au bord de ce Boeing 330, mes yeux restent collés au ciel bleu où soudain apparaît la boule rouge, c’est le lever du soleil. Ce paysage désertique me rappelle les dunes de sable de Tombouctou, la ville mystérieuse aux 333 saints où sont conservés depuis l’arrivée des musulmans, les manuscrits du Coran et des Hadiths, recueils des enseignements de Mahomet.
À 7h45, au tarmac d’Orly, ce désert devient un paysage de printemps couvert de verdure généreuse. Je fais comme les autres voyageurs, je sors de l’avion et suis la file d’attente. Au contrôle, le policier en tenue de cavalier prend mon passeport et me questionne : “Dramé, c’est ta première fois à Paris ? Pour quoi faire ?”.
Après avoir donné les raisons de mon voyage, je me dirige vers la salle des bagages. Je prends un chariot comme les autres voyageurs. Je fais un selfie (que les Canadiens qui insistent pour employer des mots francophones appellent une autophoto) avec le chariot. Là-bas, sur cette machine où défilent les bagages on dirait un défilé de mode d’Alphadi, le styliste Nigérien dans la ville d’Arlit. En quelques minutes le mien apparaît, je le récupère.
Je me dirige vers la sortie où mon cousin Diawoye m’attend vêtu d’un jean et d’une veste en cuir noir. Ce matin, l’homme des 35 degrés s’immerge dans 14 dégrés. Imaginez ma joie de me baigner dans cette fraîcheur matinale !
Avec le cousin nous nous saluons ; vite il prend le chariot ; on court comme si des fouets nous suivaient ; on entre dans sa voiture à la sortie ; pouf il paye les frais de stationnement. A ce moment, je comprends le “vite vite vite” du cousin. Bienvenue dans la société de l’argent !
On prend la direction de Villejuif pour joindre Baba un autre parent qui vient de perdre sa maman à Bamako. Dors en paix notre mère ! Nous nous retrouvons devant une église à quelques minutes de la poste où Baba le frère endeuillé retire de l’argent. Puis nous partons pour le foyer de Villejuif où il loge.
Sur le chemin, je suis étonné du paysage. Je n’imaginais pas trouver ici cette abondance d’arbres plantés partout, et de forêts bien entretenues. Cela me plonge dans mes pensées. Pourquoi n’avons-nous pas planté autant d’arbres chez nous qui vivons dans la brousse ? Ici c’est une grande ville, et ils ont plus d’arbres que nous. Pourquoi ça ?
J’arrive au foyer. J’entre dans cette boite, je ne vois qu’un lit, une cuisine et des toilettes. Tout à coup, mon esprit plonge dans l’individualisme. Je me trouve dans le film Fatima ou dans le livre Une aventure ambiguë de l’écrivain Sénégalais. Certains parents qui quittent le pays pour venir faire de l’argent à Paris, vivent dans des conditions lamentables dans les foyers ou dans les rues. D’après certains jeunes, ces cheveux blancs parmi eux ne peuvent plus retourner au Mali, tout simplement parce qu’ils n’ont rien réalisé au pays. Ils ont honte, donc ils préfèrent mourir dans cette situation indigne. Quel dommage ! Quel déshonneur ! D’autres ont oublié le village, peut-être à cause de la vie parisienne.
Je rencontre d’autres frères et cousins dont certains que je n’ai pas vus depuis 7 à 10 ans. C’est une immense joie de les revoir. Amadou, le petit frère de Baba me prépare du café et m’offre une part de gâteau. Puis il me propose du thé vert de Chine à la manière malienne. Au Mali, dans la plupart des villages et des villes, on rencontre des “Grins” (prononcer grains), rassemblements de jeunes aux devantures des maisons pour boire le thé. C’est un moment d’échanges, de discussions autour de divers thèmes d’actualité.
Après le foyer Villejuif, Diawoye nous reconduit à Clamart, près du métro Porte de Trivaux, pour rendre visite à ma cousine Kadidiatou et à sa famille. Arrivés à la porte de l’immeuble, Diawoye cherche le nom de la cousine sur l’interphone, puis l’appelle. J’entends une voix qui dit, “oui la porte est ouverte”.
“Oui la porte est ouverte”. Maintenant, nous sommes autorisés à entrer. Je découvre cela aussi.
A l’intérieur de l’appartement, je dépose mes bagages, puis commencent les salutations kilométriques en langues soninké-bambara-français.
Après plus d’une dizaine d’années d’absence, et ce petit voyage en voiture sous une pluie incessante dans un paysage verdoyant, c’est vraiment une extase de rencontrer ma cousine Kadidiatou, son mari Sékou et ses enfants, Bandiougou, Tanty, Massé, et Mouké, tous nés à Paris.
Après avoir échangé des nouvelles de toute la famille du village Diallan et de Bamako, nous repartons pour l’Essonne (département 91), chez Lassana, un autre frère Soninké, qui porte une barbe bien fournie. Chez lui, nous passons la nuit. C’est ma toute première nuit sur le sol parisien.
Sur le mur de sa chambre, je découvre le dessin de l’arbre généalogique de sa petite famille. Chaque prénom, du père, de la mère et de leurs deux jolies filles est écrit à l’intérieur d’une belle illustration. Une tradition française ! L’intégration se dessine.
Avec Madame et ses deux filles nous nous saluons en français tandis qu’avec Lassana, la langue soninkée est naturelle. Alors, commencent les échanges devant un écran géant de télévision où défilent les images avec un son suffisamment faible pour que nous puissions continuer à causer.
À une certaine heure de la nuit, Lassana et sa famille rentrent dans leur chambre. Mon cousin Diawoye et moi dormons dans le salon ; Diawoye sur un drap étalé par terre et moi dans un fauteuil, pour la première fois. C’est aussi ça la vie parisienne !
Le lendemain, nous prenons notre petit-déjeuner à la française sur une table avec du café au lait et des tartines de beurre dans le salon illuminé par les rayons du soleil levant.
L’heure arrive de rentrer à Clamart où je vais rester pendant tout mon séjour. Mon frère barbu Lassana m’offre mes premiers cadeaux Parisien, un jatigiya à la malienne !
Depuis l’atterrissage du vol 330 au tarmac d’Orly, je ne cesse de recevoir des appels et des mails (ou courriels pour parler francophone) venant des parents et ami(es) pour me souhaiter la bienvenue. Certains commencent déjà à m’inviter.
Avant l’ouverture des cérémonies du 40ème anniversaire de l’APS, programmée pour le vendredi 26 avril, mon cousin Diawoye me conduit au siège de l’association à Saint Denis. Nous nous photographions devant la porte.
Puis Diawoye me dépose chez Monsieur Diadié Soumaré, Président de l’APS, avec un de mes grands frères, Mamadou Diabaté le Soromanké originaire de Soroma, une des régions traditionnelles des pays soninkés. Mamadou est le fils d’une sœur aînée de maman. En France, on dirait un cousin, et même un cousin germain pour préciser, mais j’aime la fraternité à l’Africaine.
Le président Diadié Soumaré dort. Son grand frère, Professeur Mamadou Khalifa Soumaré nous reçoit dans le salon.
Moins de deux mois après, précisément le 23 juin 2019, Président Diadé Soumaré nous quitte. Qu’il repose en paix ! Cette haute personnalité du Soninkara fut le premier Président du Haut Conseil des Maliens de France qui fédère les initiatives des associations maliennes, porte assistance aux Maliens et aide au développement des échanges économiques entre le Mali et la France.
Quand son corps arrive à Bamako, feu Monsieur Diadié Soumaré est décoré par la République comme Chevalier de l’Ordre National à titre posthume.
Notre Ministre des Maliens de l’extérieur, Monsieur Amadou Koïta, lui fait l’honneur de l’accompagner dans un hélicoptère de la République jusqu’à l’aéroport DAG-DAG de Kayes puis en voiture jusqu’à son village natal Souéna-Soumaré Kayes.
Suite à l’annonce de son décès, j’ai ressenti une immense tristesse pour ce père qui a tant œuvré pour le Soninkara (communauté Soninkée) et pour notre pays. Je repense à lui avec beaucoup d’admiration. Le sentiment de vide qu’il laisse m’encourage à continuer sa noble mission.
Avec le Professeur Mamadou Khalifa Soumaré, nous parlons de mon exposé sur l’harmonisation de l’orthographe du soninké que je dois présenter lors de la rencontre préparatoire aux fêtes publiques du 40ème anniversaire de l’APS, pour lesquelles j’arrive du Mali.
Au moment de partir, je peux saluer le Président Diadé Soumaré. Le Professeur Mamadou Khalifa Soumaré m’accompagne à la voiture de mon cousin Diawoye avec qui je retourne à Clamart, la ville coquette aux longs arbres bien coiffés.
Le matin du 24 avril 2019, le beau couple anglais Hannah Sneller et Martyn Fielder nous invite avec mon frère Harouna Diawara à visiter Paris magnifique, à bord d’une des Vedettes du Pont Neuf.
Hannah et Martyn alias Aja et Muusa en soninké sont depuis trois ans des partenaires de mon équipe soninké à la SIL. Ils participent à la publication de livres en soninké ou bilingues soninké/anglais, soninké/français. Par exemple, c’est Hannah qui a mis en page et fait imprimer mon livre « Jeunesse et émigration » en 2018. Ils ont aussi participé à la publication de «Parlons soninké et français» et du livre de «contes soninkés» et «devinettes soninkées »en octobre 2019. »
Harouna Diawara est le fils du chef de notre village Diallan, donc un petit frère. Il est noble, descendant des guerriers. Je suis du clan des guéssérés (gesere en soninké), généalogiste de la famille Diawara, descendant de mon ancêtre Sonboné, généalogiste et joueur d’une guitare traditionnelle à trois cordes. Le rôle de mon clan est associé à la transmission de la culture. Je m’y consacre aujourd’hui par la transmission du soninké.
La Seine me rappelle le fleuve Niger qui partage Bamako en rive gauche et rive droite. J’admire ces monuments-joyaux : les musées du Louvre, d’Orsay, les différents ponts (Royal, Alexandre III, Concorde, Neuf, Tournelle, Invalides…), châteaux, parcs d’attraction, aquarium, la fameuse Tour Eiffel, la grande Cathédrale Notre Dame maculée de traces de fumée … Une des hypothèses du feu serait des mégots de cigarette. Incroyable !
Ce n’est pas tout. Je vois aussi l’Île Saint-Louis, décrite comme le quartier le plus élégant, le plus calme et le plus cher de Paris, et le Pont Marie qui selon le guide du bateau, est le pont romantique des amoureux de Paris. Il est demandé aux visiteurs de ce pont de faire un vœu. Pour que ce vœu se réalise, il faut fermer les yeux et embrasser son voisin ou sa voisine ! Ha haha ! Que ces architectures sont impressionnantes !
Ensuite à pied, nous continuons jusqu’à la place de l’Étoile où se dresse l’Arc de Triomphe avec son éternelle flamme allumée en face des Champs-Élysées. A chaque lieu visité, nous prenons des photos. Puis nous prenons le métro jusqu’à la belle Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, dans le XVIIIe arrondissement. Nous la visitons majestueuse.
Une vraie journée de tourisme dans Paris ! Un grand merci à Martyn et Hannah alias Aja et Muusa.
Le 26 avril, je prends le métro seul pour me rendre à la cérémonie d’ouverture du 40ème anniversaire de l’APS. Une première activité de cet anniversaire est animée par Madame Mama Doucouré de l’association DULALA, spécialiste du bilinguisme des enfants. Son intervention remarquable est suivie de chants et danses Soninkés jusque tard dans la nuit.
Le 27, aux environs de 11h, c’est pour moi, lors d’une table ronde, l’heure de présenter le compte-rendu de deux rencontres sur l’harmonisation de l’orthographe soninkée que j’ai eu l’honneur de co-animer en Gambie en 2017 et 2018, avec Monsieur Kaba Diouara, mon professeur de langue soninkée.
Je suis très heureux et ressens une certaine fierté d’être venu dans cette ville coquette parisienne pour rendre compte des avancées sur l’orthographe de la langue soninkée ; ému aussi des témoignages de reconnaissance des militants de notre langue parmi lesquels des écrivains comme Elhadji N’Diaye, Kabou Tiréra, Thiérno Tandia, Diadiou Cissé…
Dimanche 28, c’est la cérémonie de clôture du 40ème anniversaire de l’APS qui défend les causes nobles des immigrés soninkés mais aussi africains. J’arrive dans l’après-midi.
Ne connaissant pas l’adresse exacte de la salle, j’ai donné rendez-vous à mon amie Line Clair qui m’attend devant le siège de l’association puis selon mes indications téléphoniques plus près de la salle, à la Basilique Saint-Denis.
Cette amitié a commencé il y a juste trois ans, à partir d’un ami commun, Gérard Galtier, sur le réseau social Facebook. En ce temps je travaillais à Kayes. Nous avons échangé par Skype à propos de mon premier livre “Fonnanxayaaxun do safaariye” (Jeunesse et émigration) dont Line dit avoir apprécié “l’originalité et la lucidité du propos” …
Donc, une fois devant la Basilique, nous respectons la tradition française en nous faisant une bise, puis nous entrons dans la salle de conférence dont le débat porte sur l’immigration. C’est un sérieux phénomène qui aujourd’hui touche profondément le Mali, précisément la région de Kayes dans les zones des Soninkés.
Chaque année, de nombreux bras valides sont noyés pendant la traversée de l’océan Atlantique. Ces jeunes candidats voient la France comme l’Eldorado, un pays où l’on ramasse de l’argent, un pays où l’on ne trouve pas de mendiants, un pays où il fait bon vivre.
Les cerveaux sont pleins de cette imagination trompeuse qui pousse nombre de jeunes dans une aventure semée d’embûches.
Aujourd’hui, les conséquences de ces illusions sont énormes. Il ne reste que des vieux et des petits enfants dans les familles des villages d’Afrique. La perte de la langue et de la culture s’accentuent continuellement. Les maisons traditionnelles disparaissent. Le mariage endogamique disparaît. L’entraide qui est une des forces de ce peuple disparaît.
Le Soninkara plonge dans une véritable catastrophe ! L’avenir de sa jeunesse m’inquiète !
Quelques minutes, nous quittons la salle pour chercher une banque puis un café pour boire un verre et parler. Sur le chemin nous croisons plein de bars bondés de compatriotes debout, qui parlent, fument, boivent.
Nous choisissons un endroit plus calme pour pouvoir parler. Après un temps, curieusement, Line la blanche fine me fait remarquer le contraste avec les établissements précédents. Il y a moins de clients, tous assis et je suis le seul noir. Je lui réponds avec le sourire qu’avec le café appelé par les Français “un petit noir” ou “un grand noir” selon la taille de la tasse, nous sommes deux.
Nous discutons avec grand plaisir de vive voix après avoir communiqué par vidéo sur Internet. Nous nous offrons mutuellement quelques cadeaux en souvenirs. Line, me dit : “On dirait qu’on se connait depuis la tendre enfance.”
Nous échangeons avec un même esprit sur les projets qui nous tiennent à cœur. C’est agréable. Nous avons beaucoup à partager.
En retournant dans la salle d’anniversaire, nous prenons quelques photos avec le professeur Mamadou Khalifa Soumaré, Monsieur Diadié Soumaré et d’autres parents soninkés dont je ne connais pas les prénoms.
Nous sommes accueillis très chaleureusement, et des dames soninkées nous offrent un délicieux plat traditionnel de riz tchép sénégalais qu’elles ont préparé avec des légumes (oignon, ail, aubergine, yét, guedj, bombo…) et du poisson.
Lorsque j’accompagne Line à son métro, gare de Saint Denis, je me vois au raïlda de Bamako où l’on rencontre ces hommes et ces femmes qui vendent des brochettes de viande, des jus de fruits (mangue, pain de singe à partir du fruit du baobab, oseille), des cigarettes, des chaussures, des infusions de fleurs d’hibiscus avec de la menthe et des épices appelées : dableni (Mali, Côte d’Ivoire, ou Burkina), bissap (wolof), foléré (Cameroun), karakandji (Centrafrique), zobo (Nigéria), ngai ngai (Congo), karkadé (Égypte) connues aussi aux Antilles sous le nom de groseille pays et au Mexique comme agua de Jamaïca.
Chacun trouve plus ou moins son gagne-pain dans une société où l’individualisme a fortement imprégné les gênes des gens.
Sur ce raïlda de la France au printemps, mon amie Line semble être la seule blanche parmi ces peaux noires déambulant avec des marchandises dans les mains. Nous discutons longuement, assis sur un banc en pierre, de la vie dans nos pays, en souriant comme deux tourterelles sur une branche d’arbre de darama (sebestier).
Soudain, un parent soninké : Dayé Touré. Il siffle en me voyant : “Non ce n’est pas vrai, c’est Babaye ?”. Quelle surprise de nous rencontrer ici ! Cela fait environ 5 ans que je n’ai pas revu ce jeune ressortissant de la région traditionnelle Diafounou de Soninkara, venu à Paris pour faire fortune comme tant de vendeurs de cigarettes.
Dayé a un très bon emploi. Il vend des voitures 7 jours sur 7 de 9 h à 21h00. Après quelques échanges, il poursuit son chemin.
Il est de tradition soninkée d’employer des surnoms “élogieux”. Babaye est le surnom élogieux de mon prénom “Banjugu”. Cela ne correspond pas à un diminutif qui existe aussi. C’est plutôt un surnom employé comme un compliment. Ma famille m’appelle Babaye.
Cette soirée là est ma première soirée de longue conversation avec une parisienne d’origine européenne.
En voyant ces jeunes Africains dans cette situation lamentable, mon cœur me dit que mon cher continent aura du mal à se développer. Mes chers Africains, de retour au pays, n’accepteront jamais de mener des telles activités. Quelle déception !
L’heure de rentrer est arrivée. Line, claire comme la lumière de la gare prend son billet au distributeur. Ouf ! Ouf ! Ce n’est pas facile ! Nous reverrons-nous un jour ? Mais, il faut se dire tchao-tchao … Et nous planifions une deuxième rencontre.
Elle rentre chez elle. Je prends la direction de Clamart (département des Hauts-de-Seine, 92). La ligne T6 est fermée la nuit, mais ma cousine Kadidia m’indique facilement au téléphone une autre ligne de bus en circulation.
Mon séjour continue dans la coquette ville Parisienne avec ses métros, bus et trams cosmopolites où chacun a les yeux rivés sur son téléphone. Mais quand ces transports s’arrêtent cela semble la fin de la vie parisienne.
A l’intérieur des métros il y a aussi des mendiants à Paris. Effectivement, des hommes et femmes quémandent 1 euro pour manger. Tout n’est alors pas rose dans la Ville Lumière !
Notre seconde rencontre coïncide avec la fête du travail du 1er mai, jour où Martyn et Hannah m’ont invité à déjeuner chez eux à Bagnolet. La rencontre était formidable et inoubliable. C’est aussi un jour de manifestations traditionnelles des travailleurs. Mais ce jour-là à Paris, 40000 manifestants du mouvement des «gilets jaunes» sont attendus.
Ce mouvement a démarré contre des taxes sur l’essence et oppose depuis plusieurs mois des manifestants et des policiers avec des violences qui me paraissent moyenâgeuses. Une telle barbarie dans cette grande civilisation est incroyable à mes yeux.
Craignant que ces manifestations ne dégénèrent, Line me propose de visiter un endroit typique, à la fois majestueux et populaire, la butte Montmartre.
Nous nous donnons rendez-vous près du Moulin Rouge à Pigalle, le quartier chaud selon mon amie, pour continuer à pied. À la sortie du métro, je vois Line de l’autre côté de la rue. Afin de bien visiter la ville et d’approcher les Parisiens et les Parisiennes de près, je désire marcher. Nous rencontrons surtout des touristes sur la colline Montmartre, près du Moulin de la Galette et de l’Église Sacré Cœur.
Dans les rues de presque chaque arrondissement visité, je vois des écritures logographiques, la langue chinoise. Une communauté qui s’est bien installée dans les entreprises et restaurants parisiens et qui maintenant fait peur aux autres puissances. De grandes puissances tremblent devant elle !
On arrive à la place du Tertre où exposent des peintres, pinceaux à la main, représentant les belles Dames assises près d’eux sur des tableaux aux esthétiques fluides et colorés. C’est l’art parisien.
Sur cette place aux origines populaires est né le mot bistro, lieu de rencontre sans prétention des copains qui veulent boire des verres ou “casser la croûte”, expression populaire pour dire “manger un bout, manger un morceau”, autres expressions populaires qui signifient faire un repas rapide, prendre une collation.
Des graffitis artistiques inspirent les promeneurs à la beauté et à l’amour comme ce beau personnage féminin qui dit “Tout vient à point à qui sait être tendre” @La Dactylo.
Une Queue de singe attend son tour pour entrer dans la Basilique du Sacré-Cœur aux deux cavaliers bien armés qui surplombent la formidable vue sur tout Paris !
Typiquement français, au pied de cet illustre édifice religieux une plaque commémore la victoire des révolutionnaires de la Commune de Paris contre le gouvernement devenu impuissant.
A l’aube du 18 mars 1871, sur ordre de Thiers, chef du gouvernement, l’armée tenta de s’emparer par surprise des 227 canons appartenant à la garde nationale sédentaire, organe armé composé de citoyens, destiné à défendre la ville des assaillants mais indépendant de l’armée et soumis à la seule loi. Mal conçue, la manœuvre échoua. La foule se sentant trahie par la capitulation de la France face à la Prusse (ex-Allemagne) et affamée après des mois de siège de la ville de Paris, a fraternisé avec la troupe qui désarma ses officiers. A 9 h du matin la partie perdue pour le gouvernement, le comité central de la garde nationale sédentaire prend le pouvoir. C’est la naissance de la Commune de Paris qui dura 72 jours. Elle s’est terminée par la reprise du pouvoir par l’armée de Thiers qui fusilla 6000 parisiens lors de la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871.
La construction de la Basilique à partir de 1873, a été financée par des donations de croyants pour, comme on peut lire sur leur texte du vœu : “En présence des malheurs qui désolent la France et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore…faire amande honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus Christ, le pardon de nos fautes, …”
Les amoureux viennent sceller leur passion en fermant un cadenas souvent en forme de cœur sur les branches d’un muret en métal. Ce muret a remplacé les parapets du Pont-Neuf que les millions de cadenas d’amour menaçaient de faire s’écrouler. Nous rencontrons là un parisien typique n’ayant pas trouvé la traditionnelle manifestation du 1er mai et venu se recueillir dans ce haut lieu de l’histoire de France.
Nous descendons dans le jardin, pour trouver un endroit où nous asseoir. En-bas, j’ai l’immense déception de rencontrer de jeunes africains venus de l’Afrique de l’Ouest, drogue et cigarettes en veux-tu en voilà ! Venir à Paris pour s’enrichir, et voilà le travail !
Nous dînons dans un petit resto sympa puis reprenons le métro et nous séparons en même temps que nos trajets pour rentrez chez nous.
Que de beaux souvenirs et de belles images lors de ces moments partagés ! La suite par médias interposés.
29 avril, rue Rambuteau, je rencontre un ami de longue date, un amoureux des langues africaines, Gérard Galtier, linguiste qui a consacré une grande partie de sa vie à certaines de ces langues, principalement ma langue maternelle le soninké. Pour retrouver ce Cavalier Blanc, j’ai pris quelque retard. Les gens n’écoutent pas, ne répondent pas quand on leur pose une question. Mais, un frère à la peau noire me met sur les rails. Je dois faire travailler ma mémoire pour retrouver ce restaurant où mon cher ami m’attend joyeusement dans une salle du fond où il peut observer à son aise tout nouvel entrant ou sortant. Des sourires aux lèvres !
Je découvre Beaubourg, le Centre Georges-Pompidou, à la fois immense bibliothèque, cinéma et centre d’exposition d’art contemporain. Son architecture étonnante laisse apparaître des tuyaux énormes à l’extérieur d’une façade en verre et accueille des milliers de personnes que l’on voit circuler de l’extérieur.
Après le repas nous nous offrons quelques cadeaux en souvenir. Dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, nous visitons les librairies «L’Harmattan» et «Présence Africaine». Près d’un commissariat, une voix s’élève : “Au voleur ! Au voleur !”. Ce voleur clair passe de notre côté comme une fusée. Nous sommes tout étonnés de son action en pleine journée dans la ville Parisienne. Ceci me rappelle le marché rose de Bamako.
Notre première visite prend fin dans un café-restaurant où l’on prend une jolie photo. Cette photo publiée sur Facebook, a reçu plus d’une centaine de «j’aime», plusieurs commentaires et partages.
Notre deuxième rencontre a lieu au restaurant Panis sur la rive opposée de la Cathédrale Notre-Dame. Gérard me présente Monsieur Abdoulaye Sow, professeur de soninké à l’INALCO (Institut NAtional des Langues et Civilisations Orientales) de Paris. Après quelques minutes d’échanges, avec mon ami nous reprenons le métro.
Je vais chez Harouna Diawara à la Porte Dorée dans le 12ème arrondissement. J’y rencontre d’autres frères et parents dans leur foyer Chevaleret. Ils m’offrent du riz.
Avec Harouna, nous visitons une foire d’exposition en face du foyer. À l’intérieur, on trouve toutes sortes de jeu d’enfants, des loteries, … Avec d’autres visiteurs, je tente ma chance dans un jeu de courses de chevaux.
Le séjour Parisien en ce printemps suit son petit bonhomme de chemin sous des pluies incessantes.
Le matin du 30 avril, une autre journée importante. Je découvre la ville de Tremblay où vit mon ami, mon frère Mahamadou Diagouraga dit Diagouss et sa femme Mariam. Le jatigiya malien me gâte. Avec ce frère, nous sommes allés à la Fac ensemble à Bamako il y a plus d’une dizaine d’années. Nous ne nous attendions ni l’un ni l’autre à nous rencontrer aujourd’hui à Paris. Quelle belle surprise ! Sa compagne nous a cuisiné un délicieux thieboudienne sénégalais accompagné de thé vert de Chine. Le soir arrive. Mon frère Diagouraga m’offre beaucoup de cadeaux pour d’autres frères au village et pour ma famille.
Puis Malamine Diagouraga un autre ami, un frère né à Paris, mon élève en langue bambara par WhatsApp, vient me chercher. Dans sa très belle voiture, il me conduit à son entreprise Ambulance AM à Aulnay-sous-Bois. Il emploie des Maliens et des Sénégalais. C’est une grande surprise et une énorme fierté pour moi. Il est très rare de voir des entreprises au nom des Soninkés en France. Un peuple arrivé en France par la voie de l’immigration depuis les années cinquante et qui a toujours du mal à créer des entreprises.
Ce jeune homme de nationalité française, d’une bonté exceptionnelle n’a pas oublié son pays d’origine. Il a suivi l’exemple de son père en faisant construire à Bamako un superbe bâtiment de plusieurs appartements qu’il m’a fait visiter lors de son dernier séjour dans notre capitale. En donnant du travail au pays il encourage nos jeunes à s’investir. Voilà un entrepreneur honorable né en France mais très attaché à ses origines. Nous disons en Soninké : “Quand l’hivernage est bon, la rosée sera bonne.” qui signifie “Si les pluies de l’hiver sont abondantes, les récoltes aussi”, autrement dit “Tel père, tel fils” en français.
Ce jeune patriote me rappelle cet autre jeune Malamine Koné qui à travers sa marque Airness habille depuis quelques années les joueurs de l’équipe nationale du Mali : les Aigles.
Monsieur Diagouraga m’invite au restaurant Tomboctou chez un autre frère malien qui nous dit qu’il en possède plusieurs à son nom. Après le repas, la nuit bien avancée, mon élève m’accompagne à Clamart. Nous passons ensemble des moments inoubliables !
À la Foire de Paris, à Versailles, où différentes nationalités se côtoient, j’observe la forte présence de produits importés de Chine, d’Inde, d’Amérique Latine… Je note aussi la présence des Africains. La jeune franco-malienne Aïssata Diakité avec sa marque le Zabban conquit doucement le monde à sa manière en promouvant les produits locaux avec des jus de fruits naturels.
Mon frère malien le jeune Idrissa Konté que je connais depuis quatre ans me guide à l’intérieur de cette immense foire où nous déjeunons d’un délicieux plat éthiopien. Idrissa Konté a su rassembler une équipe pour donner vie à la plateforme www.afrilangues.com qui offre des cours en ligne et en présentiel dans de nombreuses langues africaines. Une très belle initiative ! Je l’accompagne sur le stand d’Afrilangues où il fait connaître les cours de la plateforme et où il expose des livres en bambara et en soninké dont quelques unes de mes publications que je lui ai laissées pour le public parisien. Nous exposons quelques produits d’Afrilangues et quelques unes de mes publications en soninké et français.
Mes très chers, tout a une fin, mon séjour parisien se termine ce dimanche 05 mai, le jour prévu pour mon retour à Bamako.
Mais avec mon cousin Diawoye et mon frère Harouna nous arrivons en retard à l’aéroport. La salle d’enregistrement est fermée. Je viens de manquer mon vol. Quel étonnement ! Avec pénalité, j’attends le lendemain qui coïncide avec le début du mois de Ramadan.
Donc, cet après midi du 06 mai, à l’aéroport d’Orly Sud, prend fin ma première visite de Soninké à Paris.
Paris, la ville coquette m’a émerveillé de ses belles architectures, son histoire, ses transports, ses forêts… Dans ce désert d’inconnus refermés sur eux-mêmes et leurs téléphones mobiles, j’ai bénéficié d’oasis d’amitiés, de discussions, d’invitations et de partages qui m’ont comblé.
Par l’auteur,B S. DRAME de Diallan (Mali) qui remercie vivement Line Clair de Paris pour ses relectures et suggestions.