ès le lendemain de l’attentat, qui a fait trois morts, dont deux militaires maliens, trois jours avant un sommet à Nouakchott de l’organisation régionale G5 (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) en présence du président français Emmanuel Macron, dirigeants politiques et militaires claironnaient qu’ils ne se laisseraient pas impressionner.
« Ce sont des attaques qui ne doivent pas nous faire baisser les armes », a déclaré le chef d’État nigérien, Mouhamadou Issoufou, président en exercice du G5 Sahel, tandis que son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta promettait de « traquer les terroristes jusque dans leurs derniers retranchements ».
« En dépit de l’aspect visuel frappant » de l’attaque, affirmait l’état-major français quelques jours après, « son impact a néanmoins été limité. Elle n’a pas entamé la capacité et la détermination de la force conjointe ». Toutefois, selon Nicolas Desgrais, chercheur à l’université britannique du Kent sur la coopération militaire au Sahel, outre les dégâts matériels, « il y a une portée symbolique qui est énorme ».
Il s’agit, « même si ce n’est pas là où sont basés des soldats de la force conjointe, du poste de commandement central, qui est censé faire la planification et la conduite des opérations », souligne-t-il. Les conséquences sur le déploiement de cette force, lancée en 2017 et qui peine à se matérialiser, malgré l’appui de l’opération française Barkhane, risquent de peser lourd, prévient-il.
Ce revers « sape la crédibilité de la force conjointe auprès des partenaires internationaux que les pays du G5 veulent mobiliser » financièrement, explique Nicolas Desgrais. « Comment aller solliciter un partenaire quand vous n’arrivez même pas à sécuriser votre poste de commandement central ? ».
« Si l’état-major a été attaqué, c’est qu’il y a énormément de failles que nous nous devons de corriger »,avait reconnu au lendemain de l’attentat le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz.
À la suite du sommet du G5, le chef de la force conjointe, le général malien Didier Dacko, et son adjoint burkinabè ont été remplacés par des généraux mauritanien et tchadien.
Le moment choisi pour cette relève « montre bien que les chefs d’État des autres pays du G5 et le président français ont tapé du poing sur la table pour qu’il y ait un vrai changement », estime Nicolas Desgrais.
Le chercheur estime néanmoins qu’un an après le lancement officiel de cette force, les dirigeants ont pris conscience « qu’il y a peut-être eu une pression qui a été contre-productive » et sensiblement révisé leurs ambitions.
La « volonté de déployer très rapidement cette force avec une montée en puissance très rapide » s’est heurtée aux limites d’armées de pays africains parmi les plus pauvres du monde, ajoute-t-il.
Bien que le budget, de quelque 420 millions d’euros, ait été bouclé lors de réunions de donateurs internationaux, les fonds tardent à arriver et empruntent des canaux multiples, à la fois multilatéraux et bilatéraux. Les 100 millions d’euros promis par l’Arabie saoudite serviront ainsi à acheter des équipements à l’industrie militaire française, selon une source au ministère des Armées à Paris. En un an, la force a atteint quelque 80% de ses effectifs prévus de 4.000 militaires et mené une poignée d’opérations avec l’appui direct et logistique de Barkhane, sans réel impact sur le terrain, où elle n’a pas encore croisé le fer avec les jihadistes.
En outre, tout manquement au respect des droits de l’Homme, comme l’exécution sommaire en mai de douze civils par un de ses bataillons à Boulkessy, dans le centre du Mali, selon une enquête de la Mission de l’ONU (Minusma), risque de lui aliéner le crucial soutien de la population. « Malheureusement, dans toutes ces régions, de plus en plus les populations sont en train d’être les otages de ces ennemis de la paix », a indiqué à l’AFP le chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, insistant sur la nécessité de leur assurer une protection pour les soustraire à cette mainmise.
« C’est justement en cela que des actions de ce genre ne rassurent pas les populations », a-t-il dit, en référence à l’affaire de Boulkessy. Selon Nicolas Desgrais, à défaut du concours des habitants, « vous ne captez pas de renseignement humain, vous pouvez difficilement mener des opérations dans ces zones-là sans prendre le risque justement que du renseignement soit donné aux groupes que vous essayez de frapper ».
Source: Le Nouveau Réveil